Les Cahiers de la Ville Responsable

Quand l’action culturelle rejoint l’action citoyenne

Bye Bye Venus

Le théâtre de Suresnes Jean-Vilar prépare les vingt ans de Suresnes Cités danse. Créé à l’initiative de son directeur, Olivier Meyer, ce rendez-vous de référence de la danse hip-hop est une illustration de l’action que peut mener un théâtre de ville aussi bien dans le domaine artistique, dans l’intégration de différents publics que pour l’image et le renom de la ville.

Le point de départ de cette aventure est l’émergence en France dans les années 1980 du hip-hop. Cette danse est issue des diverses formes d’expression des ghettos et de la culture populaire dont le graff, la musique et la danse. Spectaculaire et acrobatique, le hip-hop se caractérise par des performances individuelles exécutées sur fond de rap. Cette danse naît et se développe en dehors de tous les circuits institutionnels culturels. C’est dans la rue que ces initiatives s’expriment.

Ces créations spontanées, Olivier Meyer les connaît bien. Son entreprise de production mise sur la rencontre de talents reconnus et de danseurs ou troupes qui le sont moins. Nommé directeur du théâtre de Suresnes, dans le cadre d’une délégation de service public, il cherche une idée forte pour créer une identité artistique pour la scène. Il assiste à un spectacle donné dans la banlieue de Montpellier par le chorégraphe hip-hop Doug Elkins. « Quelque chose m’a profondément touché chez ces danseurs », raconte-t-il.

« Il émanait d’eux un tel plaisir et une telle grâce, mêlés à un fort désir de partage et de reconnaissance… » Le cadre est né : créer des rencontres entre des chorégraphes reconnus et des danseurs pour créer un spectacle qui associe les règles de la chorégraphie et l’enthousiasme débridé du hip-hop. Le pari est risqué. Mais la magie a fonctionné.

Cette réussite repose sur certains principes.

Opéra, rock, jazz, cirque… toutes les musiques sont mises à contribution pour permettre aux chorégraphes de créer. Le deuxième principe est de repérer des talents sur le terrain, dans la rue et de leur proposer de s’intégrer à un spectacle. Comme le raconte Edwige Cabelo, qui a fait partie de l’aventure depuis le début : « En 1995, j’avais pour mission de recruter des danseurs hip-hop. Mais à l’époque, il n’y en avait pas à Suresnes. J’ai donc filé là où j’étais sûre d’en trouver, au Forum des Halles. C’était le rendez-vous de toute la banlieue, qui venait danser tous les jours sur le parvis. Et me voilà, prêchant la bonne parole : « On organise des auditions pour un spectacle de hip-hop avec Doug Elkins, venez ! » Réponse : « On ne le connaît pas. » J’ai insisté : « Mais il est génial ! Venez et dites-le à vos copains. » Ils sont venus et ils ont été pris. Ce premier engagement leur a mis le pied à l’étrier.

Le succès est immédiat. En termes de programmation et de fréquentation. Des jeunes, qui n’avaient jamais franchi la porte du théâtre, se sont mêlés à des abonnés, des férus de danse ou des spectateurs occasionnels. Ils faisaient des commentaires à voix haute, interpellaient les danseurs qui leur répondaient depuis la scène.

Vingt ans plus tard, le bilan est significatif. Des talents sont nés, des reconnaissances ont émergé, des frontières ont évolué dans le monde culturel. De nombreux chorégraphes de référence ont acquis leurs lettres de noblesse au sein de Suresnes Cités danse.

L’aventure ne s’est pas arrêtée là. En créant, en 2007, Cités danse connexions, Olivier Meyer a souhaité offrir aux artistes hip-hop un programme artistique et pédagogique à la carte, adapté à leurs besoins pour accompagner le développement, le perfectionnement et la diffusion de la culture hip-hop.

Quelles sont les clefs de la réussite d’un projet de ce type ? Avant tout l’intuition de son créateur Olivier Meyer et la confiance du maire de Suresnes, Christian Dupuy. Ville de Suresnes, Conseil général des Hauts-de-Seine, ces soutiens financiers sont indispensables même si la part principale des recettes (37 %) est issue de la billetterie.
Cette expérience est une illustration intéressante de la rencontre d’une intuition artistique, d’une équipe mobilisée et de soutiens territoriaux pour assurer un rendez-vous cultu- rel reconnu qui permet à des artistes de se révéler et à un nouveau public de franchir les portes d’un théâtre.

Grégoire Milot

En savoir plus : www.suresnescitesdanse.com